Serge Reggiani
Serge Reggiani est passé de la gueule d’ange , Casque d’Or à l’octogénaire . Acteur, chanteur, modèle de contestation, puis peintre .
D’abord apprenti coiffeur, comme son père, Serge s’inscrit ensuite au Conservatoire des arts cinématographiques, à Paris, où la famille s’est installée. Il y reçoit le 1er prix de comédie avant de s’inscrire l’année suivante au Conservatoire national d’art dramatique, peu avant la déclaration de guerre de 1939. Sa carrière démarre en flèche dans le Paris de l’occupation, en 1941 dans Le Loup-Garou de Vitrac, dans Britannicus auprès de Jean Marais, puis avec Les Parents terribles de Jean Cocteau. Il rencontre sa première femme Janine Darcey sur le tournage de son premier film, Le Carrefour des enfants perdus de Léo Joannon.
Après la guerre, il est très souvent à l’affiche, au théâtre comme au cinéma : Les Portes de la nuit en 1946, Casque d’or en 1952, ou il croisera son amie de toujours, Simone Signoret. Entre 1958 et 1963, il a avec sa nouvelle compagne, Annie Noël, trois autres enfants, Célia, Simon, puis Maria. Jacques Canetti, rencontré chez Signoret et Montand lui fera enregistrer son premier disque qui, sorti en 1965, composé de chansons de Boris Vian, rencontre un franc succès. Par contre, la scène le voit paralysé par le trac.
Au théâtre, il est adulé pour sa performance dans Les Séquestrés d’Altona de Sartre . En 1966, Barbara, séduite par ses reprises de Vian, lui offre la première partie de son tour de chant. Elle l’aide ensuite à travailler sa voix. Il interprète avec son baryton Le Barbier de Belleville, Ma Liberté, Les Loups sont entrés dans Paris, Sarah (« La femme qui est dans mon lit n’a plus vingt ans depuis longtemps »), ou encore Le Déserteur de Boris Vian.
Il est très apprécié de la jeunesse de 1968 par son engagement à gauche et des paroliers prestigieux étoffent son répertoire : Pierre Tisserand, Albert Vidalie et Jean-Loup Dabadie, Maxime Le Forestier, Georges Moustaki, Serge Gainsbourg dans les années 1970. Son fils Stéphan ou sa femme, Annie Noël, écriront également pour lui. Sa compagne éloignée, en 1980, à l’âge de 35 ans, son fils Stéphan met fin à ses jours. Serge Reggiani, soutenu par ses amis, lutte contre la dépression et l’alcoolisme. Il produit des albums à succès et Olympia de 1981 est un triomphe. Les années 80 le voient s’intéresser à la peinture avant de revenir à la scène en 1990 : le Palais des Congrès, les Francofolies, l’Olympia. Il sort un album par an dont 70 balais, puis un tous les deux ans. Il exerce ses dons comme peintre et expose ses œuvres. Il tient aussi, en 1991, le premier rôle dans Soutien de Famille, le film de son fils Simon, devenu réalisateur.
Les Mensonges d’un Père à Son Fils
Le temps, petit Simon,
Où tu m’arrivais à la taille
Ça me semble encore tout à l’heure
Mais déjà, tu m’arrives au cur
Pour toi commence la bataille
Le temps, petit Simon,
Que je te fasse un peu l’école
Me semble venir aujourd’hui
Redonne-moi de cet alcool
Que je te parle de la vie
Tu verras
Les amis ne meurent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les femmes ne s’en vont pas
Tu verras
On rit bien sur la Terre
Malbrough ne s’en va plus en guerre
Il a fait la dernière
Tu verras
Et puis, petit Simon,
Chez nous, personne ne vieillit
Nous sommes là et ne crois pas
Que nous partirons d’aujourd’hui
Pour habiter dans autrefois
L’amour, c’est tous les jours
Qu’on le rencontre dans la vie
Et rien ne passe et rien ne casse
Redonne-moi de l’eau-de-vie
A peine, à peine, voilà, merci
Tu verras
Les amis ne meurent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les femmes ne s’en vont pas
Tu verras
On rit bien sur la terre
Malbrough ne s’en va plus en guerre
Il a fait la dernière
Tu verras
Les femmes infidèles
On les voit dans les aquarelles
Elles vous querellent sous les ombrelles
Dans la vie, ce ne sont pas les mêmes
Elles nous aiment, elles nous aiment
Un homme, petit Simon,
Ce n’est jamais comme un navire
Qu’on abandonne quand il chavire
Et tout le monde quitte le bord
Les femmes et les enfants d’abord
Tu verras
Les maisons ne meurent pas
Les idées ne vous quittent pas
Le cur ne s’en va pas
Tu verras
Tu va suivre en beauté
Les chemins de la liberté
Tu vivras tu verras
Comme moi
Le temps, petit Simon,
Où tu m’arrivais à la taille
Ça me semble encore tout à l’heure
Mais déjà, tu m’arrives au cur
Pour toi commence la bataille
Alors, petit garçon,
Moi qui t’aimais, toi qui m’aimais
Souviens-toi que ton père avait
Une sainte horreur du mensonge
Une sainte horreur du mensonge
Où est passé Paris ma rose ?
Paris sur Seine la bouclée ?
Sont partis emportant la clé
Les nonchalants du long des quais
Paris ma rose
Où sont-ils passés Villon et ses filles ?
Où est-il passé Jenin l’Avenu ?
Et le chemin vert, qu’est-il devenu
Lui qui serpentait près de la Bastille ?
Où est passée Paris la grise ?
Paris sur brume, la mouillée ?
L’est partie Paris l’oubliée
Partie sur la pointe des pieds
Paris la grise
Où sont-ils passés ceux qui fraternisent
Avec les murailles et les graffitis ?
Ces soleils de craie où sont-ils partis
Qui faisaient l’amour au mur des églises ?
Où est passée Paris la rouge ?
La Commune des sans-souliers ?
S’est perdue vers Aubervilliers
Ou vers Nanterre l’embourbée
Paris la rouge
Où est-il passé Clément des cerises ?
Est-elle fermée la longue douleur
Du temps où les gars avaient si grand cur
Qu’on n’voyait que lui aux trous des chemises ?
Où est passé Paris que j’aime ?
Paris que j’aime et qui n’est plus.



















