La Belle et la Bete

Cabris

À la campagne vit un marchand au bord de la faillite avec ses quatre enfants : un fils, Ludovic (Michel Auclair), et trois filles, Félicie (Mila Parély), Adélaïde (Nane Germon) et Belle (Josette Day), cette dernière étant courtisée par Avenant, un ami de son frère. Deux de ces filles sont ignobles, égoïstes et ont un mauvais caractère ; elles traitent leur sœur, Belle, comme une domestique. Cocteau tire parfois le récit vers la farce, par exemple lorsque les canards caquetants adressent un commentaire destiné aux sœurs de Belle. À ce moment-là le conte de fées évoque Cendrillon.

Un jour, le père part en voyage d’affaires ; avant de s’en aller, il promet à ses filles de leur rapporter des cadeaux. Pour Félicie et Adélaïde un perroquet, un singe, ainsi qu’une tonne d’artifices et de bijoux, et pour Belle une jolie rose. En route, il s’égare dans une forêt où il trouve un château étrange et majestueux ; après y avoir passé la nuit et y avoir soupé, il remarque une rose qu’il décide de prendre pour Belle. C’est au moment où il la cueille qu’apparaît le propriétaire du château (Jean Marais), un monstre doté de pouvoirs magiques, à l’aspect mi-humain mi-animal. Le châtelain condamne le marchand à mort, à moins que ce dernier ne lui donne une de ses filles. Belle accepte de se sacrifier et s’en va vers le château. Son voyage est filmé dans un mouvement lent qui lui donne un caractère onirique. Quand elle voit la Bête, elle commence par s’évanouir, mais au fil du temps passé avec lui, elle en vient à l’aimer. Elle passe outre les apparences et découvre l’homme derrière la Bête. Elle devine l’âme pure qui se cache derrière sa laideur et la sincérité de son amour permet de rendre à la Bête, son apparence humaine : un beau prince qui veut l’épouser. Ce dernier possède étrangement les traits d’Avenant tandis que celui-ci, tué à cause de sa cupidité, a pris ceux de la Bête.

Dans ce film, il y a deux mondes différents : d’une part la maison bourgeoise et ordinaire du marchand, et d’autre part le château enchanté de la Bête où tout est possible. C’est la forêt mystérieuse qui relie ces deux mondes. À l’intérieur du château et autour de lui, les chandeliers, les jardins et les cariatides sont vivants. Pendant le film, la bête dévoile cinq fils conducteurs qui sont des objets magiques dont certains ont été empruntés au conte de fées de Madame Leprince de Beaumont : la rose, une clé en or, un gant, le miroir et vient enfin le cheval blanc, « le Magnifique ». À la fin, ces deux mondes finissent par se réunir. La chambre de Belle se trouve dans la chambre de son père – mais aussi dans sa chambre au château. La belle est sauvée lorsque Avenant meurt sous la forme de la bête, et que les deux personnages se fondent en un seul.

Cocteau a modifié la fin du conte de fées où une fée bienfaisante intervenait dans le rêve de Belle, pour récompenser les bons et punir les méchants. Il a omis la fée et terminé le film sur ces répliques :

« Vous ressemblez à quelqu’un que j’ai connu autrefois…
« Cela vous gêne-t-il ? »
« Oui….(puis avec un visage radieux) Non ! »

Dans le film, la transformation initiale du Prince en Bête est expliquée par le fait que ses parents ne croyaient pas aux fées, lesquelles ont puni les parents en transformant leur fils.

 

L’histoire a tout du « roman d’apprentissage ». La Belle refuse au départ de grandir, de se séparer de son père et d’avouer son amour à Avenant. Son père refuse de la laisser grandir. Ses deux sœurs et son frère vivent de façon égoïste et sans faire d’efforts. La Bête cherche l’amour pour se délivrer de son maléfice. La Belle goûte peu à peu à la vie fortunée avec la Bête, dont seule l’apparence la tient à distance. Alors qu’Avenant et Ludovic (le frère de la Belle) sont chez la Bête pour la voler et la tuer (dans le cas d’Avenant, également pour délivrer la Belle), envoyés « à la mort » par les deux sœurs, elles-mêmes avides de richesses, Avenant est abattu d’une flèche par la statue de Diane et se change en Bête. On comprend que c’est son tour d’être une Bête, tandis que la Bête redevient un prince, volant au passage par magie l’apparence d’Avenant.

Le film se termine abruptement avec l’envol de l’ex-Bête et de la Belle, mais on peut imaginer sans peine ce qui arrive aux autres personnages : la Belle épouse la Bête, les sœurs et le père deviennent riches (pour le cas des sœurs, c’est moins sûr, car les richesses qu’elles touchent deviennent des choses hideuses) , Ludovic soit est tué par la bête (Avenant) – mais c’est peu probable car le dernier plan montre la bête morte – soit s’enfuit dans la forêt et disparaît. Ses chances de retrouver son chemin vivant paraissent minces, à moins que le magnifique ne le ramène, s’il se souvient de la formule, ce qui ne semble pas être le cas. Les sœurs se sentiront, peut-être, un peu responsables. La Belle, elle, semble avoir fait le choix de « ne pas être gênée » par toute cette magie et ces maléfices, pour son propre bénéfice. Elle sacrifie donc son véritable amour (Avenant) à son apparence, et à la Bête. On peut ainsi se demander si – à l’exception d’Avenant, héroïque par amour – tous ne sont pas des bêtes.

 

 

 

utre 

 

Une forêt profonde où se noie le regard,

Sur la rive du désespoir et de l’oubli,

Un vieux manoir surgi au fond de nulle part,

Dans un écrin lugubre où règne la magie.

Mes larmes ont usé les pierres du chemin,

Mes cris ont lézardé les puissantes murailles,

La colère nourrit chacun de ces matins,

Où l’âme emplie d’amour livre et perd la bataille.

Sombres couloirs bordés de vivants candélabres,

Visages de granit aux inhumains regards,

Tout évoque l’enfer dans ce château macabre,

Qui emmure mon cœur de ses épais remparts.

Vieux promeneur perdu dans la brume ennemie,

Tu peux te reposer quelques menus instants.

J’entrouvre pour tes pas mon royaume maudit,

Qui dort dans un linceul, oublié des vivants.

Je partage avec toi le peu dont je dispose,

Les assiettes d’argent, les brillants couverts d’or.

Tu peux tout emporter, à l’exception des roses.

Celle que tu coupas te condamne à la mort !

Tu ne peux échapper au destin qui t’appelle,

A moins que ton enfant ne devienne mon hôte.

Ce noir château sera sa demeure éternelle,

Sa prison de satin, pour expier ta faute.

Je ne suis que ténèbres, vous lumière ardente,

Doux ange aux cheveux d’or, illuminé de vie.

Puisse votre beauté se révéler clémente,

En acceptant un jour que nous soyons unis !

Difformes sont mes traits, grotesque mon allure,

Sombre animal perdu dans une cage d’or.

Vous sera-t-il donné, âme céleste et pure,

De percevoir le beau sous mon hideux décor ?

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