La genèse du titre sulfureux

 

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Des débuts de la relation entre Serge Gainsbourg et Jane Birkin naîtra la chanson Je t’aime… moi non plus (écrite à l’origine pour Brigitte Bardot), qui suscita une vague de scandale à sa sortie en 1969. La raison ? Les « râles » de la chanteuse, âgée de vingt ans. La chanson est qualifiée d’obscène par le quotidien du Vatican L’Osservatore Romano, Serge Gainsbourg, provocateur, dira que c’est là la meilleure publicité qu’on pouvait faire à ce titre. Les radios italiennes boycottent le morceau, imitées par les suédoises et les espagnoles. Ce qui n’empêchera toutefois pas le succès de Je t’aime… moi non plus, qui reste l’une des chansons les plus célèbres du répertoire de Serge Gainsbourg. « Malgré nous, cette chanson a été un symbole de liberté. Je l’ai su par la suite », commente Jane Birkin, des années plus tard, dans les colonnes du Monde.

«Ma mère a trouvé que c’était une jolie mélodie, et mon père m’a défendue lorsque le scandale a pris des proportions énormes», raconte Janke Birkin au Figaro.

 

«Je veux bien aller en prison, mais pas uniquement pour un 45-tours ! Retournez à Londres faire un album entier.» Jane Birkin se souvient avec tendresse de cette réplique de Meyerstein. Celui-ci avait vu juste. La chanson qu’il s’apprêtait à publier allait devenir la plus scandaleuse de son époque. «Le pape a été notre meilleur attaché de presse», se souvient Jane. L’Osservatore Romano, publication officielle du Vatican, avait appelé au boycott de cette chanson considérée comme obscène, et obtenu que sa diffusion soit interdite en Italie. Même son de cloche en Grande-Bretagne, où la très respectable BBC n’entendait pas autoriser une telle incongruité sur ses ondes. Ce qui n’empêcha pas le morceau de se hisser à la première place du hit-parade anglais, une grande première pour une production française. C’est d’ailleurs à Londres, où Gainsbourg avait pris l’habitude de graver ses disques depuis 1966, que cette pièce a été enregistrée, sous la baguette de l’arrangeur Arthur Greenslade. C’était un an après une première version orchestrée par Michel Colombier et interprétée par Gainsbourg en duo avec  Bardot.

Je sais déjà quelle mélodie sera jouée à mon enterrement !

Jane Birkin

«Serge s’est comporté comme un gentleman, et a annulé la sortie commerciale du disque alors que tout était prêt», se souvient Jane Birkin. Le mari de BB, Gunter Sachs, s’était ému de l’éventuelle diffusion d’un titre réunissant sa femme et son ancien amant. «Il m’a fait écouter l’enregistrement dans l’appartement de ses parents après notre rencontre. Lorsqu’il m’a demandé si je voulais bien la chanter, j’ai accepté uniquement par jalousie: je ne voulais pas qu’il la fasse avec une autre fille», témoigne la chanteuse. Afin de distinguer l’interprétation de Birkin de celle de Bardot, Gainsbourg lui demande de chanter ses répliques une octave plus haut. «En studio, il me faisait des signes frénétiques quand je me laissais trop emporter par les respirations lourdes. Il y en a une qui s’arrête brutalement, si on écoute avec attention.» La tonalité suraiguë de Jane, alliée à ses râles explicites, confère un trouble évident au morceau, ce dont son compositeur va se délecter lorsqu’il le testera. «Nous vivions à l’hôtel de la rue des Beaux-Arts où est mort Oscar Wilde. Il y avait un restaurant très chic, en bas, où Serge a passé le disque. Lorsqu’il a vu les fourchettes qui restaient en l’air, il s’est retourné en me disant: “Nous tenons un tube”.»

Moins d’un an après mai 1968, la chanson fait l’effet d’une bombe. Le label Philips refuse de la commercialiser, les radios de la diffuser (à l’exception de José Artur, dans son «Pop Club» sur France Inter), tout comme la télévision. C’est au circuit des boîtes de nuit que Je t’aime, moi non plus devra son ascension spectaculaire dans les classements. Le vent de liberté que fait souffler la chanson prend une résonance particulière dans les pays où sévit encore la dictature, comme l’Espagne ou le Portugal. «Lorsque j’ai visité l’Amérique du Sud, j’ai pris conscience de l’impact qu’avait eu la chanson, pendant quelques semaines où la censure n’avait pas encore tiqué, sessouvient Jane Birkin, qui considère qu’elle doit sa carrière à ce succès initial. Je sais déjà quelle mélodie sera jouée à mon enterrement!»

«Meilleur disque érotique de tous les temps»

Après des débuts dans la comédie musicale en Angleterre, Jane Birkin démarre vraiment sa carrière de chanteuse avec Je t’aime, moi non plus. Lorsqu’elle le fait écouter à ses parents, avant la commercialisation du 45-tours, elle veille à lever l’aiguille de la platine sur les passages les plus explicites. «Ma mère a trouvé que c’était une jolie mélodie, et mon père m’a défendue lorsque le scandale a pris des proportions énormes.» Quarante ans après, le souvenir du titre vaut à Jane de jolis témoignages lorsqu’elle voyage à l’étranger, de Hongkong à Jakarta, en passant par Buenos Aires. «J’étais récemment chez un antiquaire de la ville qui m’a apostrophée en me demandant si je n’étais pas la fille de la chanson, raconte-t-elle. Quelques minutes plus tard, il me faisait signer son exemplaire, la copie du disque original.» À Londres, l’an passé, un chauffeur de taxi lui avoua même: «J’ai conçu mes cinq enfants sur cette musique.»

 

Marqués par les râles de plaisir des couplets, les auditeurs non francophones de la chanson sont passés à côté de son vers clé: «L’amour physique est sans issue», qui dément l’intention libertine que l’on a prêtée à la composition. L’astuce grammaticale du titre, que l’on dit inspirée par une déclaration de Salvador Dali – «Picasso est espagnol, moi aussi ; Picasso est un génie, moi aussi; Picasso est communiste, moi non plus» – est entrée dans le langage courant, devenant une expression dont se régalent jusqu’aux commentateurs politiques.

En 1986, Serge Gainsbourg téléphone à Jane Birkin, dont il est séparé depuis quelques années. «J’ai une très mauvaise nouvelle pour toi. Je vais sortir la version avec Bardot de Je t’aime, moi non plus.» Son ancienne égérie a accepté de diffuser l’enregistrement demeuré secret pendant près de vingt ans, à la condition que les bénéfices du disque soient reversés à des associations de défense pour les animaux. «Je me suis dit: “ tout le monde va se rendre compte que je suis moins intéressante qu’elle sur le titre”», se remémore Jane Birkin. Pourtant, c’est bien son interprétation qui est entrée dans l’histoire.

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Une interview inédite de Serge Gainsbourg 

“Parfois, je me dis je suis un des bests. Et parfois, je me dis je suis qu’une merde”. En 1987, un jeune-homme filme une interview de Serge Gainsbourg à la FNAC, puis l’oublie dans un tiroir. 27 ans plus tard, la vidéo ressort, du pur Gainsbarre !

 

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